Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/301

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une de ces chaleurs où même un condamné à mort se serait endormi pendant le prononcé de sa sentence. Aussi les plus écrasés dans la salle étaient-ils les trois juges, tous étrangers à ce brûlant Midi. Le président Mouillard, un Lyonnais, comme un Suisse de France, l’air austère, tête longue, chenue et philosophique, donnant envie de pleurer rien qu’à le regarder, puis ses deux assesseurs, Beckmann qui arrivait de Lille, et Robert du Nord, d’encore bien plus haut.

Dès le commencement des débats, ces trois messieurs étaient tombés malgré eux dans une vague torpeur, les yeux fixés sur les grands carrés de lumière découpés derrière les rideaux jaunes, et pendant l’interminable appel des témoins, au nombre de deux cent cinquante au moins, et tous à charge, ils avaient fini par s’endormir tout à fait.

Les gendarmes, qui n’étaient pas du Midi davantage et à qui l’on avait eu la cruauté de laisser leurs lourdes buffleteries, dormaient aussi.

Sans doute ce sont là de mauvaises conditions pour rendre la vraie justice. Heureusement que les magistrats avaient étudié