Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/322

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loin, on ne pouvait rien voir que les grands cachets rouges, hypnotisants, de l’enveloppe, qui, de minute en minute, semblait grandir, devenait énorme.

Bompard continua :

« Que faire, je vous demande, après avoir pris communication de ces horreurs ?

« Rattraper la Farandole à la nage ? J’y ai songé un moment, puis j’ai douté de mes forces. Empêcher le Tutu-panpan de partir en révélant à mes compatriotes ce pli abominable ; doucher leur enthousiasme de ce grand jet d’eau froide ? Mais je me fusse fait lapider. Enfin, que voulez-vous, je me suis donné peur… Je n’ai pas même osé me montrer à Tarascon dans mon embarras de savoir que dire. C’est alors que je vins me cacher en face, à Beaucaire, d’où je pouvais tout voir sans être vu. J’y cumulais deux positions : celle de gardien du champ de foire et de conservateur du château. J’avais des loisirs, vous pensez. Du haut de la vieille tour, avec une bonne lunette, je regardais de l’autre côté du Rhône l’agitation de mes concitoyens qui se préparaient au départ. Et je me rongeais, je me désolais… Je leur tendais les bras ; je