Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peau de Sancho… Il a dit vrai. Ce type de Don Quichotte soufflé, douillet, empoté dans sa graisse et toujours inférieur à son rêve, est assez fréquent à Tarascon et dans sa banlieue. »

Un peu plus loin, à un tournant de traverse, nous avons vu fuir le dos d’Excourbaniès, qui, en passant devant le magasin de l’armurier Costecalde, nommé de ce matin conseiller municipal de la ville, criait à toute gorge : « Ah ! ah !… Fen dé brut… Vive Costecalde ! »

« Même à celui-là, je ne lui en veux, pas, a dit Tartarin. Pourtant cet Excourbaniès représente le plus horrible côté du Midi tarasconnais. Je ne parle pas de ses cris, quoiqu’il brame vraiment plus que de raison, mais de cet épouvantable désir de plaire, d’être aimable, qui l’amène aux plus abjectes lâchetés. Il est devant Costecalde : « Au Rhône Tartarin ! » Il serait avec moi que, pour me flatter, il en crierait autant de Costecalde. À part ça, mes enfants, jolie race, la race tarasconnaise, et sans elle la France depuis longtemps serait morte de pédantisme et d’ennui. »

Nous arrivions au Rhône ; devant nous un