Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/91

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avec eux la bonne Tarasque, qu’un essaim d’abeilles changeant de ruche au son des chaudrons, ou qu’un grand triangle d’étourneaux en vol vers l’Afrique.

Et, vraiment, elle les protégea, leur Tarasque. Temps divin, mer resplendissante, pas une tempête, pas un grain, jamais traversée ne fut plus favorable.

Au canal de Suez, on tira bien un peu la langue, sous le feu d’un soleil ardent, malgré la coiffure coloniale adoptée par tous à l’exemple de Tartarin : casque de liège recouvert de toile blanche et garni d’un voile de gaze verte ; mais ils ne souffrirent pas trop de cette température de fournaise, à laquelle le ciel de Provence les avait dès longtemps acclimatés.

Après Port-Saïd et Suez, après Aden, la mer Rouge franchie, le Tutu-panpan se lança à travers la mer des Indes, d’une marche rapide et soutenue, sous un ciel blanc, laiteux, velouté comme un de ces aïolis, une de ces crémeuses pommades d’ail que les émigrants mangeaient à tous leurs repas.

Ce qu’il s’en consommait d’ail, à bord ! On en avait emporté d’énormes provisions, et son délicieux bouquet marquait le sillage