Page:Daudet - Révélation d'un grand romancier, paru dans L'Action française, 07-04-1926.djvu/8

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Mais devant la vie spirituelle — la plus importante puisqu’elle commande à l’heure de la mort et, par elle, à toute l’imagination métaphysique — le roman a généralement hésité, le souffle a manqué, la plume s’est tarie. Le théâtre ici est le plus souvent défaillant, [exception faite pour le cas d’Henri Ghéon], parce que la simplicité même, qui conditionne le domaine spirituel, en bannit tout effet de théâtre. La vie spirituelle, avec ses délices incomparables, ses certitudes, ses aspects si vastes, universels et cependant précis, est, à la vie intellectuelle la plus altière, ce que le plain-chant est à la musique profane, mélodique ou symphonique : une souveraineté. Or, dans le roman de Georges Bernanos, qui est le développement d’une crise tragique, de la lutte de l’Ange et du Démon, il n’y a pas d’effet de théâtre. Il y a une rencontre de fait, sur une route, entre le héros du livre et le Malin, une conversation avec le Malin, qui est une des pages les plus étonnantes, je dirais les plus bouleversantes, de toute notre littérature ; mais tout cela demeure nu et grave, comme dans le colloque pascalien, comme dans une allée de Port-Royal des Champs.