Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/233

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ne sais combien de générations. C’est là que j’ai retrouvé ton ancienne.

– Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé ?

– Parce que tu es marié, que tu aimes ta femme… Tout ce passé n’avait rien d’intéressant pour toi… Seulement, aujourd’hui… »

Veillon hésita une seconde, puis très froid toujours, mais avec le tremblement de sa grosse moustache brune :

« L’enterrement est pour trois heures… Je me suis promis que tu serais là… »

François du Bréau n’eut pas le temps de répondre ; sa femme venait d’entrer, moins radieuse que tout à l’heure, une inquiétude au fond de ses jolis yeux. Pour une fois, la nourrice avait raison, les paupières de l’enfant étaient brûlantes et aussi ses petites mains.

« Oh ! ce ne sera rien, ajouta vivement la mère, se méprenant à la gêne consternée qu’elle devinait autour de la table.

– Aussi n’est-ce pas cela qui nous préoccupe, dit le mari ; mais je viens d’apprendre une mort… quelqu’un que j’ai beaucoup connu.

– Qui donc ? »

Veillon vint en aide à son ami. Il s’agissait d’un de leurs anciens de Louis-le-Grand, Georges Hofer, chez qui, dans leur jeunesse, ils venaient quelquefois déjeuner le dimanche… Ses parents, de grands fabricants de bière, avaient leur usine en face, de l’autre côté de