Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/249

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cien Desvarennes, élève de M. Niedermeyer, l’auteur du Lac de Lamartine, moi-même compositeur de plusieurs mélodies… mais pardon, monsieur le marquis, je vous dérange. Vous désirez peut-être aller rejoindre le cortège… non, n’est-ce pas ? On a dû vous jouer la même farce qu’à nous ; défense de suivre… Et pourquoi ?… Moi, encore, ça se comprend ; j’ai été le vice de Loulou, son abjection… Mais vous, mais ces pauvres enfants… car c’est ma progéniture, ce grand laideron à tête de lapin malade et ces ridicules petits gauchos dont les pantalons traînent jusqu’à terre…, pourquoi les punir, je vous demande, pourquoi ne pas les laisser accompagner jusqu’au bout celle qui leur a été si tendre ?… Ce n’est pas à cause de leur mauvaise tenue ? Pigez-moi ça, monsieur le marquis, la smala s’est habillée de neuf des pieds à la tête pour la cérémonie… Plus un radis à la maison ; j’ai tout raclé, tout mis au clou pour que le deuil de notre amie soit dignement porté. Comme je le disais à la petite tout à l’heure : « Que tes frères ne me demandent pas pour un sou de pain de plus, je ne pourrais pas le leur donner… »

Il humecta l’âpreté de cette déclaration d’une forte lampée d’absinthe et reprit :

« Je ne regrette pas cette dépense, les enfants doivent porter le deuil de leur mère, et Louise Fédor a été une vraie mère pour ceux-ci… C’est