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ROSE ET NINETTE

Sur cette même avenue de l’Observatoire, où ils combinaient quelques mois auparavant leur divorce, Fagan attendait son ex-épouse, non sans une certaine curiosité. Bien souvent, pensant à elle dans des soirées solitaires, il avait essayé de se la représenter ; mais, n’ayant plus aucun portrait, son souvenir parfois brouillait les lignes du visage, agrandissait les unes aux dépens des autres. L’image de la femme n’était plus en lui.

Quand il l’aperçut de loin, sur l’avenue, frôlant de sa jupe brune les feuilles mortes entassées, elle lui parut plus grande qu’il ne l’imaginait ; et tandis qu’avec intérêt elle remarquait elle-même qu’il avait engraissé, le teint plus posé, plus rose, avec la note adoucie de la fine moustache et des tempes qui s’argentaient, lui restait saisi surtout du changement que des cheveux, passés d’un indécis blond cendré au roux le plus vénitien, apportaient à un visage féminin : le reflet plus chaud d’une belle toile italienne, la nuance des yeux accentuée, la peau éclaircie, — une beauté nouvelle, retouchée et flattée, complétée peut-être par un invisible maquillage.

La mise, parfaite comme autrefois, se relevait encore de ce bouquet de coquetterie spécial à la femme qui aime et veut être aimée, et d’une certaine allure assurée, indépendante, que Mme  Ravaut, seule responsable de ses actes