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ROSE ET NINETTE

appelait déjà « le mari » grimper d’un jarret de jeune homme l’impériale du tramway. Il ne passait donc pas l’après-midi chez Mme Hulin. Aussi les comédiens du Vaudeville se dirent-ils ce jour-là en répétant : « Notre auteur est de belle humeur aujourd’hui », tandis que Régis, amusé par sa prose autant que si elle lui était toute neuve, songeait dans le guignol de l’avant-scène : « Mes comédiens jouent comme des anges. » Mais, au retour, quel désenchantement lorsque Anthyme lui dit, tout béat et fier d’être renseigné :

« À propos, cette personne dont Monsieur s’informait, qui se promenait tête nue dans le jardin…

— Oui, eh bien ?

— Ce doit être quelque proche parent à Mme Hulin : voilà qu’il vient de revenir et qu’il y dîne… Même ça ne m’étonnerait pas qu’il reste coucher, parce qu’Annette…

— Eh ! que veux-tu que ça me fiche, que cet homme dîne, qu’il couche… »

Pauvre Fagan, cela lui « fichait » si peu qu’il ne put toucher à son dîner et que, de tout le soir, encore incapable de travail, même de lecture, il ne pensa qu’à une chose : « L’homme restera-t-il cette nuit ?… » Et, s’il restait, comment supposer que le mari de cette splendide créature — car Fagan ne doutait plus que ce