Page:Daudet - Rose et Ninette, Le trésor d'Arlatan, La Fédor, 1911.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
ROSE ET NINETTE

fût le mari — pourrait veiller tranquillement tout près d’elle, et qu’elle-même, dans la joie de l’enfant opéré, sauvé, ne pardonnerait pas au père toutes ses fautes ?

Il en pâlissait de colère, lui que le mariage de sa femme avec La Posterolle avait laissé si calme. C’est qu’il ne l’aimait plus, sa femme, et qu’il adorait Mme Hulin. Plus de doute, maintenant.

Que devait-il faire ? Rester dans cette maison ? Garder leurs relations d’intimité ?… Il serait trop malheureux ; les battements précipités de son cœur lui en étaient la preuve. Il faudrait donc s’en aller, quitter ce petit hôtel si calme, si commode au travail, avec ses soirées longues et le voisinage doucement animé de la mère et de l’enfant !…

Il fut distrait de ses réflexions par un mouvement inaccoutumé au rez-de-chaussée, des pas précipités, une sourde dispute, puis des coups de sonnette et la bousculade d’une lutte aux meubles renversés, aux imprécations d’une colère d’homme. Fagan, debout dès le premier éveil, s’élança dans l’escalier éteint. Presque aussitôt s’ouvrait l’étage au-dessous ; l’homme sortit, furieux, éclairé par Annette, dont les mains tremblaient en tenant la lampe. Sur le seuil, il se retourna, vomit, les poings brandis en menace, d’effroyables injures, et s’élança sur le boulevard, jetant violemment la porte que