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ROSE ET NINETTE

rêve de peur, toutes les nuits !… J’avais fait demander mon mari, avec l’espoir qu’il aurait pitié de notre petit martyr et me le laisserait à soigner, au delà du temps convenu. D’abord, j’ai cru réussir quand j’ai vu son émotion, ce matin, osant à peine embrasser l’enfant, qui dormait à demi-mort, tout blanc de son chloroforme. .. Le soir, il est revenu, il désirait passer la nuit dans le salon, pour garder Maurice, disait-il, au cas où je serais trop lasse. Il parlait si tendrement, jurait de me laisser mon fils aussi longtemps que je voudrais… C’était si bien rien qu’une voix de père… On lui a fait un lit ici, vous voyez : moi, près de mon petit, la porte entr’ouverte… Et tout à coup voilà que le misérable voulait… et que sans mon refus, ma résistance furieuse…

— Lâche ! » s’écria Fagan les lèvres blêmes. Mais son indignation à elle le rassura.

« Ah ! J’ai senti remonter toute ma haine, et je ne sais avec quelle force j’ai pu le repousser, le chasser, en le menaçant d’appeler toute la maison à l’aide. Je jure bien que cet homme ne s’approchera plus jamais de moi ni de son enfant !

— Vous, la loi vous autorise, mais l’enfant ?

— Avant ses dix ans, j’ai encore trois mois… Si dans trois mois son genou est toujours malade, j’espère avoir du tribunal un sursis. S’il est guéri, au contraire, ou si le père a recours