Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/120

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et comme s’il ne l’eût pas vu, le père Legrand donnait des nouvelles de la maison.

— La vieille est à Necker depuis quinze jours, elle file un mauvais coton… Va donc la voir un de ces jeudis, ça y donnera du courage… Moi, heureusement, le coffre est solide ; toujours bon fouet, bonne mèche. Seulement le commerce ne va pas fort… Si t’avais besoin d’un bon cocher au mois, ça ferait joliment mon affaire… Non ? tant pis alors, et à la revoyure…

Ils se serrèrent les mains mollement ; le fiacre partit.

« Hein ? crois-tu… » murmurait Fanny ; et tout de suite elle se mit à lui parler longuement de sa famille, ce qu’elle avait toujours évité… « c’était si laid, si bas… » mais on se connaissait mieux maintenant ; on n’avait plus rien à se cacher. Elle était née au Moulin-aux-Anglais, dans la banlieue, de ce père, ancien dragon, qui faisait le service des voitures de Paris à Châtillon, et d’une servante d’auberge, entre deux tournées de comptoir. Elle n’avait pas connu sa mère, morte en couches ; seulement les patrons du relais, braves gens, obligèrent