Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/204

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Tout ce butin prenait pour lui un nom vague et générique, la denrée, qu’il prononçait denraie ; et ni raisonnements, ni taloches n’auraient pu l’empêcher de faire sa denraie aux dépens de tout et de tous.

Les Hettéma seuls y mettaient bon ordre, le dessinateur gardant à portée de sa main, sur sa table autour de laquelle rôdait le petit sauvage attiré par les compas, les crayons de couleur, un fouet à chien qu’il lui faisait claquer aux jambes. Mais ni Jean ni Fanny n’eussent usé de menaces pareilles, quoique le petit se montrât, vis-à-vis d’eux, sournois, méfiant, inapprivoisable même aux gâteries tendres, comme si la ménine, en mourant, l’eût privé de toute expansion affective. Fanny, « parce qu’elle puait bon », parvenait encore à le garder un moment sur ses genoux, tandis que pour Gaussin, cependant très doux avec lui, c’était toujours la bête fauve de l’arrivée, le regard méfiant, les griffes tendues.

Cette répulsion invincible et presque instinctive de l’enfant, la malice curieuse de ses petits yeux bleus aux cils d’albinos, et surtout l’aveugle et subite tendresse de Fanny pour