Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/278

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Assez, ne mens plus, cria-t-elle dans une explosion farouche qui la mit debout, ne mens plus, tu ne sais pas !… Le vrai, c’est que tu te maries… Il y a assez longtemps que ta famille te travaille… Ils ont tellement peur que je te retienne, que je t’empêche d’aller chercher le typhus ou la fièvre jaune… Enfin les voilà satisfaits… La demoiselle à ton goût, il faut croire… Et quand je pense aux nœuds de cravate que je te faisais, le jeudi !… Étais-je assez bête, hein ?

Elle riait d’un rire douloureux, atroce, qui tordait sa bouche, montrait l’écart que faisait sur le côté la cassure toute récente sans doute, car il ne l’avait pas vue encore, d’une de ses belles dents nacrées dont elle était si fière ; et cela, cette dent manquante dans cette figure terreuse, creusée, bouleversée, fit à Gaussin une peine horrible.

— Ecoute-moi, dit-il la reprenant, l’asseyant de force contre lui… Eh bien, oui, je me marie… Mon père y tenait, tu sais bien ; mais qu’est-ce que cela peut te faire puisque je dois partir ?…

Elle se dégagea, voulant garder sa colère :