Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/303

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écrivait ; et ses lettres à dessein positives et sèches laissaient deviner son émotion sous des conseils de sagesse et d’apaisement. Il l’engageait à retirer Joseph de pension, à le reprendre pour s’occuper, se distraire ; mais Fanny refusait. À quoi bon mettre cet enfant en présence de sa douleur, de son découragement ? c’était bien assez du dimanche où le petit rôdait de chaise en chaise, errait de la salle au jardin, devinant qu’un grand malheur avait attristé la maison, et n’osant plus demander des nouvelles de « papa Jean » depuis qu’on lui avait dit avec des sanglots qu’il était parti, qu’il ne reviendrait plus :

— Tous mes papas s’en vont, alors !

Et ce mot du petit abandonné, tombant d’une lettre navrante, restait lourd sur le cœur de Gaussin. Bientôt, cette pensée de la savoir à Chaville devint une oppression telle, qu’il lui conseilla de rentrer dans Paris, de voir du monde. Avec sa triste expérience des hommes et des ruptures, Fanny ne vit dans cette offre qu’un affreux égoïsme, l’envie de se débarrasser d’elle à jamais, par un de ces brusques béguins dont elle était