Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

eu le béguin du talent ou de la beauté, – et vous savez son épouvantable aventure…

— Quelle aventure ?… » demanda Gaussin, la voix étranglée ; et il se remit à tirer sur sa paille, en écoutant le drame d’amour, qui passionna Paris, il y a quelques années.

Le graveur était pauvre, fou de cette femme ; et de peur d’être lâché, pour lui maintenir son luxe, il fit de faux billets de banque. Découvert presque aussitôt, coffré avec sa maîtresse, il en fut quitte pour dix ans de réclusion, elle six mois de prévention à Saint-Lazare, la preuve de son innocence ayant été faite.

Et Caoudal rappelait à Déchelette, – qui avait suivi le. procès, – comme elle était jolie sous son petit bonnet de Saint Lazare, et crâne, pas geignarde, fidèle à son homme jusqu’au bout… Et sa réponse à ce vieux cornichon de président, et le baiser qu’elle envoyait à Flamant par-dessus les tricornes des gendarmes, en lui criant d’une voix à attendrir les pierres : « T’ennuie pas, m’ami… Les beaux jours reviendront, nous nous aimerons encore !… » Tout de même, ça l’avait un peu dégoûtée du ménage, la pauvre fille.