Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/8

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une nuit de juin – entre un pifferaro et une femme fellah dans la serre de palmiers, de fougères arborescentes, qui faisait le fond de l’atelier de Déchelette.

Au pressant interrogatoire de l’Égyptienne, le pifferaro répondait avec l’ingénuité de son âge tendre, l’abandon, le soulagement d’un Méridional resté longtemps sans parler. Étranger à tout ce monde de peintres, de sculpteurs, perdu dès en entrant dans le bal par l’ami qui l’avait amené, il se morfondait depuis deux heures, promenant sa jolie figure de blond hâlé et doré par le soleil, les cheveux en frisons serrés et courts comme la peau de mouton de son costume ; et un succès, dont il ne se doutait guère, se levait et chuchotait autour de lui.

Des épaules de danseurs le bousculaient brusquement, des rires de rapins blaguaient la cornemuse qu’il portait tout de travers et sa défroque de montagne, lourde et gênante dans cette nuit d’été. Une Japonaise aux yeux de faubourg, des couteaux d’acier tenant son chignon remonté, fredonnait en l’agaçant : Ah ! qu’il est beau, qu’il est beau, le postillon… ;