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Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/143

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fallait changer le dernier acte, qui était trop dangereux. Delair nous écouta, modifia la fin, atténua ; peines perdues ! nous étions condamnés avant d’être joués. J’en eus la conviction dès la répétition générale. La pièce avait été bien montée, certes ; la meilleure troupe du Vaudeville l’interprétait, la direction n’avait pas ménagé sa peine, et cependant je n’ai jamais vu une salle tendue, hostile comme celle de la première. On siffla le lendemain, et tous les jours suivants : — voir le Gaulois de cette époque. Tous les soirs les cercles envoyaient des délégués pour faire du tapage. Des scènes entières, très belles, très émouvantes, passaient dans le bruit sans que l’on entendît une phrase. Des tirades comme celle où il est parlé d’un Bourbon courant après l’omnibus étaient marquées d’avance. Ah ! s’ils avaient su de qui je tenais ce détail ! Et l’entrée superbe de Dieudonné, l’ivresse en habit noir pendant le chœur héroïque de la marche de Pugno ! La mode vint d’aller là « bahuter » comme à la salle Taitbout. Et puis, sous cette indignation factice des gan-