Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/157

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des faubourgs. Puis une fois rentrés dans la petite maison d’Auteuil, comme des herborisateurs, des naturalistes, tout ensemble fatigués et joyeux, on versait la double récolte sur la grande table, observations, images toutes neuves, sentant la nature et le vert, métaphores vives comme des fleurs, éclatantes comme des papillons exotiques, et il n’y avait repos ni cesse tant que tout ne fût rangé et classé.

Des deux tas on n’en faisait qu’un, chacun de son côté écrivait sa page ; puis on comparait les deux pages pour les compléter l’une par l’autre et les fondre. Et, par un phénomène unique d’assimilation dans le travail et de parallélisme de pensée, il arrivait parfois cette surprise attendrissante et charmante que, sauf quelque détail oublié par l’un, épinglé par l’autre, écrites à part mais vécues ensemble, les deux pages se ressemblaient.

Pourquoi, à côté de trop faciles succès, un tel amour de l’art, un si assidu travail, avec tant de précieux dons d’observateurs et d’écrivains, n’ont-ils valu aux frères de