Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/168

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tions, du jardin ; il s’était juré de ne jamais plus écrire ; les livres, la table, lui faisaient horreur.

Un beau jour, sans pouvoir dire comment cela s’était fait, il se retrouva assis, une plume aux doigts, à sa place accoutumée. D’abord ce fut dur, et plus d’une fois se retournant comme jadis pour demander au frère une note, un mot, il se leva et partit tout pâle d’avoir trouvé la place vide. Mais quelque chose de nouveau, d’imprévu pour lui, le succès, le ramenait au travail, le rasseyait sur cette place. Depuis Madame Gervaisais le temps avait marché et le public aussi.

Un mouvement s’était fait en littérature dans le sens de l’observation exacte, exprimée en une langue curieuse et nette. Les lecteurs peu à peu s’apprivoisaient à ces nouveautés qui, d’abord, les avaient tant effarouchés, et les vrais initiateurs de ce mouvement de renaissance, les Goncourt devenaient à la mode. Tous leurs livres se réimprimaient. « Si mon frère était là ! » disait Edmond avec un sentiment de douloureuse joie. C’est alors qu’il se hasarda à écrire ce roman de la Fille