Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/222

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périt du saisissement qu’il a eu d’entendre le tonnerre.

D’autres fois, c’est la vache qui est morte, l’aîné des petiots qui s’est cassé le bras, la volaille atteinte d’épilepsie. Sur le même bout de toit, le même coin de champ, c’est un invraisemblable amoncellement de catastrophes pareilles aux plaies d’Égypte. Cela est grossier, stupide, cousu d’un fil blanc à crever les yeux. N’importe, il faut faire semblant d’être pris à ces inventions, payer encore et toujours, sans quoi gare à Nounou ! Elle ne se plaindra pas, elle ne demandera rien, oh ! non, certes, mais elle boudera, pleurnichera dans les coins, bien sûre d’être vue. Et quand Nounou pleure, Bébé crie, parce que le gros chagrin tourne les sangs et les sangs tournés font le lait aigre. Vite un mandat de poste et que Nounou rie.

Ces grands coups hebdomadaires n’empêchent pas la nourrice de travailler quotidiennement à sa petite denraie personnelle. Ce sont des chemises pour le petit, le malheureux déshérité, tout seul là-bas à teter la chèvre ; un jupon pour elle, un paletot pour