Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de Batignolles ou de Levallois-Perret, on veut recevoir, avoir un salon, un jour. Je connais des malheureux qui s’en vont chaque lundi prendre le thé rue du Terrier-aux-Lapins.

Passe encore pour ceux qui ont un intérêt quelconque à ces petites fêtes. Ainsi les médecins qui s’établissent et veulent se faire connaître dans le quartier, les parents sans fortune qui cherchent à marier leurs filles ; les professeurs de déclamation, les maîtresses de piano recevant une fois par semaine les familles de leurs élèves. Ces soirées-là sentent toujours un peu la classe, le concours. Il y a des murs nus, des sièges raides, des parquets cirés, sans tapis, une gaîté de convention et des silences si attentifs quand le professeur annonce : « Monsieur Edmond va nous réciter une scène du Misanthrope », ou « Mademoiselle Élisa va jouer une Polonaise de Weber ».

Mais à côté de cela, combien de malheureux qui reçoivent sans raison, sans profit, simplement pour le plaisir de recevoir, de se bien gêner une fois la semaine et de