Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/251

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souvent, ces anciennes demeures ont gardé leur cachet aristocratique, et, en cherchant bien, on retrouverait quelques grands noms de Bretagne enfouis dans le silence de ce petit coin, qui est à lui seul tout un passé. Un silence rêveur habite là, en effet. Il rôde autour de cette église du quatorzième siècle, où des marchandes de fruits abritent leurs éventaires et tricotent sans parler. Il plane sur ces promenades désertes, ces fossés d’eau dormante, ces rues calmes que traverse de temps en temps une pastoure conduisant sa vache, pieds nus, le corsage serré d’une corde et la coiffe de Jeanne d’Arc.

Le jour des courses, par exemple, l’aspect de la ville est tout différent. C’est un va-et-vient de voitures amenant des baigneurs et des baigneuses du Croizic, du Pouliguen. Des charrettes chargées de paysans, de grands carrosses antiques qui ont l’air de sortir d’un conte de fées, des carrioles de louage où se juche une vieille douairière des environs entre sa chambrière en coiffe et son page en sabots.