Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tout cela est arrivé le matin pour l’heure de la grand’messe. Le son des cloches tombe dans les rues étroites, mêlé aux coups de ciseaux des barbiers ; et l’église pleine fait la ville déserte pour deux heures. À midi, au premier coup de l’Angelus, les portes s’ouvrent et la foule envahit la petite place, aux psalmodies des mendiants groupés sous le porche et dont les voix éclatent en même temps. C’est une mélopée bizarre sur toutes sortes de chants d’église : Litanies, Credo, Pater noster ; un étalage de plaies, d’infirmités, une léproserie du moyen âge. La foule contribue à cette illusion d’archaïsme : les femmes ont des coiffes blanches terminées en pointe avec un bourrelet de broderies au-dessus des bandeaux plats, et des barbes flottantes ou de longs bavolets tuyautés pour les pêcheuses et les saunières, des jupes plissées à gros plis, des guimpes rondes autour du cou. Les hommes ont deux costumes bien différents : les métayers portent la veste courte, le col montant et un foulard de couleur posé en jabot qui les