Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/53

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même sac. L’accord s’est fait depuis quand on a vu clair. La province a appris ce que, cinq mois durant, Paris a déployé d’héroïsme inutile ; et moi, Parisien du siège, j’ai reconnu pour mon humble part combien furent admirables l’action de Gambetta dans les départements, et ce grand mouvement de la Défense où nous n’avions tous vu d’abord qu’une série de fanfaronnes tarasconnades.

Nous nous sommes rencontré de nouveau avec Gambetta, il y a deux ans. Aucune explication, il est venu à moi, les mains tendues ; c’était à Ville-d’Avray, chez l’éditeur Alphonse Lemerre, dans la maison de campagne qu’a si longtemps habitée Corot. Une maison charmante, faite pour un peintre ou un poète, tout dix-huitième siècle avec ses boiseries conservées, des trumeaux sur les portes, et un petit portique pour descendre au jardin. C’est dans le jardin que nous déjeunâmes, en plein air, parmi les fleurs et les oiseaux, sous les grands arbres virgiliens que le vieux maître aimait à peindre, d’un vert si doux au frais voisinage des étangs. On resta l’après-midi à se rappeler le passé