Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/57

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Gambetta caché sous Roumestan. Comme si c’était possible ; comme si, ayant voulu faire un Gambetta, personne eût pu s’y tromper, même sous le masque de Numa !

Le vrai est que pendant des années et des années, dans un minuscule cahier vert que j’ai là devant moi, plein de notes serrées et d’inextricables ratures, sous ce titre générique, LE MIDI, j’ai résumé mon pays de naissance, climat, mœurs, tempérament, l’accent, les gestes, frénésies et ébullitions de notre soleil, et cet ingénu besoin de mentir qui vient d’un excès d’imagination, d’un délire expansif, bavard et bienveillant, si peu semblable au froid mensonge pervers et calculé qu’on rencontre dans le Nord. Ces observations, je les ai prises partout, sur moi d’abord qui me sers toujours à moi-même d’unité de mesure, sur les miens, dans ma famille et les souvenirs de ma petite enfance conservés par une étrange mémoire où chaque sensation se marque, se cliche, sitôt éprouvée.

Tout noté sur le cahier vert, depuis ces chansons de pays, ces proverbes et locu-