Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/95

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les oreilles, et qu’il allait de ce pas « offrir son épée à l’amiral !… » C’était dit, c’était lancé. Lasouche ni Priston n’ont jamais rien trouvé de plus comique… Là-dessus il fit un demi-tour et s’éloigna tout alangui, avec son petit chien maussade.

Je ne sais pas s’il offrit, en effet, son épée à l’amiral, mais, en tout cas, M. Saisset n’en fit pas grand usage, car huit jours après, le drapeau de la Commune flottait sur toutes les mairies, les ponts-levis étaient hissés, la bataille engagée partout, et d’heure en heure on voyait les trottoirs s’élargir, les rues devenir désertes… Chacun se sauvait comme il pouvait, dans des voitures de maraîchers, dans les fourgons des ambassades. Il y en avait qui se déguisaient en mariniers, en chauffeurs, en hommes d’équipe. Les plus romanesques franchissaient le rempart la nuit avec des échelles de corde. Les plus hardis se mettaient à trente pour prendre une porte d’assaut ; d’autres, plus pratiques, s’en tiraient tout bonnement avec une pièce de cent sous. Beaucoup suivaient les corbillards et s’en