Aller au contenu

Page:Daudet - Tartarin sur les Alpes, 1901.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vantées devant cet étendard, ces hommes noirs et velus qui hurlaient des mots étranges, les bras en l’air. Jamais le pacifique hôtel Jungfrau n’avait subi pareil vacarme.

« Entrons chez moi », fit Tartarin un peu gêné. Ils tâtonnaient dans la nuit de la chambre, cherchant des allumettes, quand un coup autoritaire frappé à la porte la fit s’ouvrir d’elle-même devant la face rogue, jaune et bouffie de l’hôtelier Meyer. Il allait entrer, mais s’arrêta devant cette ombre où luisaient des yeux terribles, et du seuil, les dents serrées sur son dur accent tudesque : « Tâchez de vous tenir tranquilles… ou je vous fais tous ramasser par le police… »

Un grognement de buffle sortit de l’ombre à ce mot brutal de « ramasser ». L’hôtelier recula d’un pas, mais jeta encore : « On sait qui vous êtes, allez ! on a l’œil sur vous, et moi je ne veux plus de monde comme ça dans ma maison.

— Monsieur Meyer, dit Tartarin doucement, poliment, mais très ferme… faites préparer ma note… Ces messieurs et moi nous partons demain matin pour la Jungfrau. »


Ô sol natal, ô petite patrie dans la grande ! rien que d’entendre l’accent tarasconnais frémissant avec l’air du pays aux plis d’azur de la bannière, voilà Tartarin délivré de l’amour et de ses pièges, rendu à ses amis, à sa mission, à la gloire.

Maintenant, zou !…


IX

au chamois fidèle


Le lendemain, ce fut charmant, cette route à pied d’Interlaken à Grindelwald où l’on devait, en passant, prendre les