Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/291

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lorsqu’on pense à eux, on se les représente mieux, on est avec eux davantage.

henri, souriant.

Mais oui, voyons !

madame jourdeuil.

Allons ! Adieu… Est-ce que tu ne viendras pas nous voir, un de ces jours, pour nous rendre le jeudi que tu nous as volé ?

henri.

Ce sera bien difficile… J’ai tant de travail, ces jours-ci.

madame jourdeuil.

Enfin, tu verras… (Elle fait un pas) Seulement, écoute, que je te dise. (Elle entraîne Henri de l’autre côté de la scène. – Bas.) Nous autres, les mères, nous voudrions toute la vie garder nos enfants pour nous seules, et nous ne comprenons pas qu’ils puissent nous être infidèles, nous qui, jusqu’au dernier jour, les aimons si fidèlement. Cependant il le faut ; tôt ou tard, une heure arrive où la mère n’est plus la grande affection dans la vie de son enfant, et je vois bien que cette heure est arrivée pour moi.

henri.

Comment ?

madame jourdeuil.

Oh ! je ne t’en veux pas, c’est si naturel… Toutes les mères en sont là !… Malheureusement, comme tu m’as beaucoup gâtée, je suis plus sensible que les autres, et il faut me ménager un peu