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Page:Daudet - Théâtre, Lemerre, 1889.djvu/424

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vivette.

Oh ! si, mon Frédéri.

frédéri.

Tais-toi, ne mens pas, tu as quelque chose qui te tourmente et te gâte la joie de nos accordailles. Je sais bien ce que c’est, c’est ton malade qui te fait peur. Tu n’es pas encore sûre de lui… Eh bien ! sois heureuse, je te jure que je suis guéri.

vivette, secouant la tête.

Quelquefois on croit cela, et puis…

frédéri.

Te rappelles-tu cette année où j’ai été si malade ? De tout le temps de ma maladie, il ne m’est resté qu’une chose dans la mémoire. C’est un matin où pour la première fois on avait ouvert ma fenêtre. Le vent du Rhône sentait si bon, ce matin-là !… J’aurais pu dire une par une toutes les herbes sur lesquelles il avait passé. Et puis, je ne sais pas pourquoi, mais le ciel me semblait plus clair que d’ordinaire, les arbres avaient plus de feuilles, les ortolans chantaient plus doux, et j’étais bien… Alors le médecin est entré, et il a dit en me regardant : « Il est guéri !… » Eh bien ! à cette heure où je te parle, je suis comme ce matin-là, c’est le même ciel, le même apaisement de tout mon être, et plus rien qu’un désir en moi, mettre ma tête là, sur ton épaule, et y rester toujours… Tu vois bien que je suis guéri.

vivette.

Ainsi, c’est bien vrai, tu m’aimes ?