Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mange dans Balzac. Le projet fut mis à exécution de la façon la plus régulière : bouquets offerts, bouts de gants baisés, duchesses conquises, filles aux yeux d’or achetées, rien ne manque, le tout couronné par une orgie folle d’après celle de la Peau de chagrin. La peau de chagrin, c’est-à-dire les cent mille francs, avait duré six mois juste. Le fils de l’helléniste s’était prodigieusement amusé. La poche à sec et le cerveau plein de rimes, il déclara vouloir désormais exercer l’état de poète. Mais il était écrit que, jusqu’à sa mort, Philoxène serait une victime du livre. Balzac quitté, il rencontra Shakespeare ; Balzac ne lui avait mangé que ses écus, Shakespeare lui mangea sa vie ! Un matin, peut-être à la suite d’un rêve, Philoxène se réveilla absolument épris de l’œuvre shakespearienne. Et comme cet homme volontaire et frêle, d’humeur doucement violente, ne savait rien faire à demi, dès ce matin il se voua à Shakespeare corps et âme ! Étudier Shakespeare, le savoir par cœur, depuis ses sonnets les plus obscurs jusqu’à ses pièces les