Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/116

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Philoxène Boyer ! encore un de ces fils étranges, terreur et châtiment des familles, productions de hasard qu’aucun atavisme n’explique, graines apportées on ne sait d’où, sur l’aile des vents, par-dessus les mers, et qui un beau jour avec leur feuillage, exotiquement découpé, et leurs fleurs d’une violence de couleur bizarre, viennent s’épanouir en plein carré de choux, en plein potager bourgeois ! Fils de Boyer, l’homme de France qui, en son temps, savait le plus de grec : né entre deux pages d’un lexique, n’ayant, tout enfant, connu en fait de promenade et de jardin que le docte jardin des racines grecques, nourri de grec, huilé de grec, Philoxène avec son nom grec semblait positivement destiné à se voir inscrit sur le marbre, à côté des Egger et des Estienne, dans le panthéon des hellénisants. Mais le père Boyer comptait sans Balzac. Philoxène, comme tous les écoliers d’alors, avait Balzac dans son pupitre ; si bien qu’ayant hérité cent mille francs de sa mère, il n’eut rien de plus pressé que de venir à Paris manger les cent mille francs comme on les