Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/141

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voyage en Orient et le musicien du pays des roses n’avaient pas eu de peine à faire, par l’imagination, un paysage autour des mélodies rustiques du tambourin.

L’un, tandis que rossignolait le galoubet, croyait revoir les grèves de sa Durance natale et les terrasses croulantes de ses coteaux de Cadenet ; l’autre laissait son rêve aller plus loin, et trouvait dans le battement monotone et sourd du tambourin je ne sais quel ressouvenir plein de saveur des nuits à la Corne-d’Or et des derboukas arabes.

Tous deux s’étaient pris d’un vif et subit caprice pour le talent réel, quoique dépaysé, de Buisson. Ce furent, pendant quinze jours, des réclames insensées ; tous les journaux parlaient du tambourin, les illustrés publiaient son image, fièrement campé, l’œil vainqueur, le fifre léger entre les doigts, le tambourin en bandoulière. Buisson, ivre de gloire, achetait les journaux par douzaines, et les envoyait dans son pays.

De temps en temps, il venait me voir et me racontait ses triomphes : un punch