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Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/144

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— de faire résonner leurs fanfares de cuivre à l’air libre, la loi française, paraît-il, n’avait pas prévu le tambourin.

À partir de cette victoire, Buisson ne douta plus de rien. Un dimanche matin, je reçois une carte : il devait, l’après-midi, se faire entendre à la salle du Châtelet, dans un grand concert. Le devoir, l’amitié commandaient : j’allai donc l’entendre, non sans me sentir comme attristé par quelques secrets pressentiments.

Salle superbe, comble du parterre aux cintres ; décidément nos réclames avaient porté. Tout à coup la toile se lève, émotion générale, grand silence. Moi, je pousse un cri de stupeur. Au milieu de l’immense scène, faite pour que six cents figurants puissent y manœuvrer à l’aise, Buisson, avec son tambourin, un habit étriqué et des gants qui le faisaient ressembler à ces insectes à pattes jaunes que Granville, dans ses fantaisies, dessine s’acharnant sur de fantastiques instruments. Buisson tout seul se présentait. Je le voyais, à la lorgnette, agiter ses longs bras, faire voltiger ses