Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/160

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tille sur le velours constellé de la nuit. Très nette aussi dans ma mémoire la tristesse du retour, l’impression d’exil et de froid en rentrant à Marseille, le bleu du ciel provençal me paraissant embruni et voilé à côté de ces horizons algériens, palette aux gammes intenses et variées, aurores d’un vert inouï, le vert minéral, le vert poison, courts crépuscules du soir, changeants et nacrés de pourpre et d’améthyste, puits roses où viennent boire des chameaux roses, où la corde du puits, la barbe du Bédouin, lapant à même le seau, ruissellent des gouttelettes roses… ; après plus de vingt ans, je retrouve en moi ce regret, cette nostalgie d’une lumière disparue.

Il y a dans la langue de Mistral un mot qui résume et définit bien tout un instinct de la race : galéja, railler, plaisanter. Et l’on voit l’éclair d’ironie, la pointe malicieuse qui luit au fond des yeux provençaux. Galéja revient à tout propos dans la conversation, sous forme de verbe, de substantif. « Vesés-pàs ?… Es uno galéjado… Tu ne vois