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Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/190

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reposer sur l’herbe de la plate-forme, songer au livre que j’écrirais plus tard avec tout cela, un livre où je mettrais le bourdonnement qui me restait aux oreilles de ces chants, de ces rires clairs, de ces féeriques légendes, un reflet aussi de ce soleil vibrant, le parfum de ces collines brûlées, et que je daterais de ma ruine aux ailes mortes.

Les premières Lettres de mon moulin ont paru vers 1866 dans un journal parisien où ces chroniques provençales, signées d’abord d’un double pseudonyme emprunté à Balzac « Marie-Gaston », détonnaient avec un goût d’étrangeté. Gaston, c’était mon camarade Paul Arène qui, tout jeune, venait de débuter à l’Odéon par un petit acte étincelant d’esprit, de coloris, et vivait tout près de moi, à l’orée du bois de Meudon. Mais quoique ce parfait écrivain n’eût pas encore à son acquit Jean des Figues, ni Paris ingénu, ni tant de pages délicates et fermes, il avait déjà trop de vrai talent, une personnalité trop réelle pour se contenter longtemps de cet emploi d’aide-meunier. Je restai donc seul à moudre mes petites histoires, au