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Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/277

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voulu, » me dit la pauvre victime «…Ils s’agrandissent, ils font bâtir, je les aurais gênés. » Et, comme pour répondre au reproche de mes yeux, il ajouta : « Oh ! maman est bien bonne… Elle m’écrit, elle vient me voir. » J’ai la conviction qu’il mentait ; sa détresse, le nu de sa couverture d’hospice sans la moindre douceur, pas même une orange, sentait l’abandon. J’eus l’idée, le trouvant si seul, si malheureux, de lui faire écrire ce qu’il voyait, ce qu’il subissait là, convaincu que son esprit en serait ainsi plus hautement impressionné. Et puis, qui sait ? Cela deviendrait peut-être une ressource pour cet être fier à qui il était si difficile de faire accepter un peu d’argent. Au premier mot, le malade se redressa, accroché des deux mains aux poignées de bois pendues à la tête du lit.

— Vrai, bien vrai ?… vous croyez que je pourrais écrire ?

— J’en réponds.

De fait, dans les quatre articles que Raoul m’a envoyés de l’hôpital, je n’ai pas eu dix mots à changer. L’accent en était simple et sincère, d’une réalité poignante qui conve-