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Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/282

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à droite et à gauche comme chez vous. Il me dicte aussi ses articles pour le Siècle et pour l’Histoire. Nous avons ce matin éreinté les conseils généraux… » Le ton est assez gai, mais on sent une réelle fatigue, et vers la fin la longue écriture droite fléchit, l’encre change : il s’y est repris à plusieurs fois pour achever.

Puis la guerre arriva, le siège. Je n’entendis plus parler de lui et je l’oubliai. Qui de nous pendant cinq mois a songé à quelque chose qui ne fût pas la patrie ? Sitôt Paris ouvert, dans le flot de lettres qui envahit ma table, il y en avait une d’un médecin d’Alger m’annonçant que Raoul était bien malade et demandait des nouvelles de sa mère ; ce serait charité de lui en faire avoir. Pourquoi la mère, prévenue, continua-t-elle à ne pas donner signe de vie à son enfant ? Je n’en ai jamais rien su. Mais le 9 février, elle recevait de Charles Jourdan ces lignes indignées : « Madame, votre fils est à l’hôpital. Il se meurt. Il demande des nouvelles de sa mère. Au nom de la pitié, envoyez deux mots de votre main à l’enfant que vous ne verrez plus. »