Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/320

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dien ; je vis là, dans une cour de la rue de Bondy, le monde théâtral au grand complet, et tout ce que j’ai noté plus tard à la mort de la petite Désirée, les entrées typiques des invités, le jeu de pompes de leurs poignées de mains, variées selon les habitudes de leurs rôles, la larme écrasée au coin de l’œil et regardée au bout du gant.


Tout de suite l’idée me vint de donner une fille à Delobelle, et je voulais la faire, cette enfant, ayant hérité un brin de l’extravagance paternelle, transformé l’exaspération artistique en doux sentimentalisme de femme et d’infirme. En raison même de cette infirmité, et comme contraste, je lui donnai un métier de luxe, de fantaisie. J’en fis d’abord une habilleuse de poupées, pour que cette humble, cette disgraciée pût contenter au moins ses goûts de délicatesse et d’élégance, vêtir ses rêves, à défaut d’elle-même, de rognures de soie et