Page:Daudet - Trente ans de Paris, Flammarion, 1889.djvu/324

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ressemblance. Malgré tout, je fus désespéré de cette conversation avec Gill, et, renonçant à mon habilleuse, j’essayai de trouver à la petite Delobelle un autre métier. Mais ces choses ne s’inventent point ; et comment trouver une profession aussi poétiquement chimérique que celle d’habilleuse de poupées, permettant ce que j’avais voulu faire : la grâce exquise dans la misère, le rêve souriant sous les toits noirs, les doigts donnant un corps aux envolées du désir. Ah ! j’en fouillai des maisons sombres, cette année-là, j’en grimpai des escaliers froids à rampe de corde, cherchant mon milieu idéal dans le nombre infini des petits métiers. Je désespérais, à la fin ; mais mon entêtement devait trouver sa récompense. Un jour, rue du Temple, sur un cartouche de cuir bouilli, dans un de ces cadres où, pour la commodité des chalands, sont inscrites et affichées toutes les industries d’une maison, je lus ces lettres d’or fané qui m’éblouirent :

OISEAUX ET MOUCHES POUR MODES
OISEAUX ET MOUCHES POUR MODES