Page:Daumal - La Grande beuverie, 1939.djvu/63

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mille autres jeux, où il s’agissait toujours de tirer, de pousser, de courir, de sauter, de cogner ou d’encaisser plus fort que les autres. Certains s’aidaient d’instruments de torture divers ou de machines à moteurs qui faisaient de temps en temps explosion. On empaillait les morts, et on les collectionnait dans des musées que l’infirmier me conseilla de ne pas visiter.

— Ça vous donnerait trop soif, me dit-il. Au reste, ne nous attardons pas dans ces parages. Il y a encore tout près d’ici une colonie de cultivateurs qui font pousser des pommes de terre afin de se nourrir pour avoir les forces nécessaires à la culture des pommes de terre. D’autres se sont mis à construire des maisons, puis ils ont dû inventer des hommes mécaniques pour les habiter, puis des filatures pour habiller les automates, puis d’autres automates pour faire marcher les filatures, puis des maisons pour loger ces automates, et, enfin, tout ce monde est dans une telle fièvre d’activité, dans un tel enthousiasme de travail, que vous pourriez difficilement échanger deux mots avec le moins affairé d’entre eux.

— Et tout ça sans boire ? dis-je.

— Rien que des jus de fruits acides, et surtout des tonneaux d’huile de bras, qui font qu’ils sont tous saouls comme des canards, sans s’en douter. Mais hâtons-nous, avant d’être complètement desséchés.