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Je m’étonnais, en gravissant un tertre fleuri de celluloïd, qu’un univers entier pût tenir dans cette soupente. L’infirmier m’expliqua :
— Ici comme partout, mais ici on vous le fait remarquer tout spécialement, l’espace se fabrique selon les besoins. Voulez-vous faire une promenade ? Vous projetez devant vous l’espace nécessaire que vous parcourez au fur et à mesure. De même du temps. Comme l’araignée sécrète le fil au bout duquel elle se laisse glisser, vous sécrétez le temps qu’il vous faut pour ce que vous avez à faire, et vous marchez le long de ce fil qui n’est visible que derrière vous mais qui n’est utilisable que devant vous. Le tout est de bien calculer. Si le fil est trop long, il fait des plis et s’il est trop court, il casse. Si je ne craignais pas d’attraper soif en parlant, je vous dirais pourquoi c’est si dangereux pour l’araignée d’avoir derrière elle un fil qui fait des plis.
— N’est-ce pas que, le moment venu de remonter en ravalant son fil, les nœuds se mettent en travers du gosier…
— Et l’on n’a même pas la ressource de boire un coup pour les faire passer. Vous l’avez dit.