Page:Daveluy - À l'école des héros, 1931.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

traître, posté derrière la porte, lui a fendu la tête.

— Ô Ciel ! murmura Kinaetenon, en regardant tristement vers Charlot, qui marchait et fredonnait, non loin.

— Et son compagnon, continua l’Iroquois, a subi le même sort, ce matin. Les deux corps viennent d’être jetés à la rivière. Les têtes ornent notre palissade depuis quelques instants. Tiens, Kinaetenon, regarde ici… non, non, à ta droite… Hein ! elles y sont bien, toutes deux ? »

Kinaetenon, sous le choc de la sanglante vision, ne put retenir un faible cri de surprise et de peine. Hélas ! qu’il eût voulu avoir gardé son impassibilité coutumière en voyant Charlot surgir, en un bond fou, près de lui. Durant quelques minutes, Charlot demeura immobile, les yeux affreusement dilatés, voyant tout, comprenant tout. Puis, sans un cri, sans un regard vers Kinaetenon, avec seulement un faible et douloureux soupir, il s’abattit aux pieds de son ami iroquois, privé de sentiment et le corps rigide, vraiment, comme celui d’un cadavre.

Les deux Iroquois, messagers de malheur, s’éloignèrent aussitôt, la tête basse. Kinaetenon se jeta sur le corps inanimé de Charlot. Des larmes lourdes et pressées tombaient de ses yeux. Il le rappellerait à la vie, oh ! oui, coûte que coûte, ce Charlot, ce frère blanc qu’il chérissait de toute son âme et depuis l’enfance. Allons, vite, à l’œuvre ! à l’œuvre !


Marie-Claire Daveluy
(Fin de la première partie).