Page:Daveluy - L'esclave des Agniers, 1933.djvu/173

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J’ai aussi, par la grâce de Notre-Dame, ma visitation… la lettre de ma Perrine.

Le donné des Jésuites s’éloigna. Charlot brisa le cachet de la petite missive et lut ce qui suit :


Mon frère bien-aimé.

J’ai longtemps hésité à t’envoyer ma lettre… Si le messager qui te la remettra n’était venu deux fois me prier de ne pas me gêner au sujet des messages à envoyer chez les Hurons, il est probable que tu ne la tiendrais pas entre tes mains en ces premiers jours de juillet.

Pourquoi ? me demandes-tu, pourquoi ? « M’en voudrais-tu, ma sœur, au point de me faire souffrir durement ? »…

Non Charlot, crois-le bien, je ne t’en veux pas, je ne t’en veux pas, d’avoir préféré le jeune et premier amour qui te dévorait le cœur à ta calme et sérieuse sœur, qui t’aimera toujours tendrement, quoi que tu fasses, quoi que tu dises… N’ai-je pas promis à notre douce petite maman, partie si tôt pour le Ciel, de la remplacer auprès de toi, et chaque fois que je le pourrais… Ce que ma bouche enfantine énonçait jadis, comment mon cœur raisonnant de vingt ans n’y voudrait-il pas souscrire ? Non, Charlot, il y a autre chose…

Il y a… ma détresse ! Frère, Jean n’est plus. Entends-tu, Jean Amyot, ce compagnon aimé de ma jeunesse, il est mort ! Mort ! Mon Dieu !…