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Page:Daveluy - L'esclave des Agniers, 1933.djvu/31

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morales », m’assure Mme Le Gardeur. Même le commandant croit que cette vie dans les bois, si les Iroquois ne t’y imposent pas trop de corvées — car il espère comme moi en l’amitié protectrice de Kinaetenon — ne pourra que tonifier ta constitution qui est saine, mais pas assez robuste encore. Le pauvre Commandant ! Plus que tout autre peut-être, il m’entoure d’attentions bienveillantes. Il soutient mon courage, mon espoir. Il remarque, pour me consoler, que certains de tes dons naturels, ton adresse à tirer, ton talent de flûtiste, ta connaissance des langues sauvages ne peuvent que te concilier la bonne grâce de la plupart de tes maîtres. « Et pourvu, ajoute-t-il, qu’il n’intervienne jamais dans le sort qu’on fait aux prisonniers, qu’il soit docile, serviable et sans désir apparent de fuite, je crois qu’il se tirera assez bien de sa fâcheuse position. Oh ! il y aura de mauvaises heures, des horizons, des insultes à recevoir, mais, ma petite, il faut qu’il s’endurcisse Charlot, ce frère que tu as traité trop tendrement. Ne doit-il pas devenir un fier soldat de la Nouvelle-France, aussi brave et endurant que prudent et vigoureux, aussi dur pour lui-même que pitoyable pour les autres » ?

Mon frère, au revoir, au revoir et, comme au début de cette lettre, je te presse sur mon cœur, je te dis ma tendresse, mon ennui, mon chagrin. ma désolation, ma folle inquiétude ! Ah ! cette pensée qu’une seule petite imprudence ferait que je ne te reverrais jamais, jamais ici-