Page:Daveluy - L'esclave des Agniers, 1933.djvu/72

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Un cri d’épouvante l’interrompit. Sa femme venait d’entrer. Elle avait entendu les dernières paroles de son mari et avait tout de suite compris que la mort venait de lui enlever son petit.

— Je te l’avais dit, cria-t-elle à son mari, à travers des plaintes lugubres, des pleurs, des contorsions. Puis elle avait couru au petit lit, avait saisi entre ses bras son enfant, le berçant, le pressant contre son cœur… « Je te l’avais bien dit… reprenait-elle bientôt… qu’il fallait revenir… Ce serpent rencontré sur la route. Il m’avait averti. Ô mon enfant… mon enfant… parti, parti… pour toujours… Oh ! oh ! oh ! »

— Je t’en prie, femme, ne crie pas ainsi. Laisse-le reposer en paix… Notre fils !… Son esprit ne doit plus connaître le trouble, le chagrin… Il s’en est allé… Nos ancêtres l’ont reçu au milieu d’eux…

— Non, non, non, je ne puis me taire… Ce petit, c’était tout ce que j’aimais ici-bas… Oh ! oh ! oh ! que ma peine est vive… que ma peine me torture… oh ! oh ! oh ! »

L’Algonquine s’approcha à cet instant. « Maîtresse, dit-elle, laissez-moi le parer, en votre nom… Il m’aimait un peu… Rappelez-vous. »

— Ah ! c’est toi, misérable fille… Tu l’as laissé mourir, n’est-ce pas ? Je le devine, dis-le. Tiens, je pourrais t’étouffer, je le devrais… Algonquine d’enfer, tiens, tiens, je veux… »

Menaçante, à moitié folle de rage et de douleur,