Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/121

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Ah !… l’on était très, très heureux tout de même dans la petite maison de Jean où pénétraient beaucoup de parfums, de soleil et de chansons. On y vivait paisible, sans souci du lendemain. Pour le frère et la sœur, la beauté, la force et l’adresse de Jean étaient un émerveillement continuel. Paule se mettait tous les jours à la fenêtre afin de le voir monter sur le beau cheval noir, plein de feu, qu’il avait récemment acheté. Comme il en calmait sans peine les élans et la fougue !… Marc, de son côté, ne souhaitait rien de plus exquis qu’un entretien avec le jeune homme, dont les connaissances, l’esprit tour à tour primesautier, profond ou rêveur le tenaient en haleine. Paule, lorsqu’elle les voyait ainsi intéressés l’un par l’autre, se plaignait avec une moue comique, de connaître maintenant les tortures de la jalousie. Pour son frère, elle n’était plus l’unique !

Ce bon temps, on le pense bien, ne pouvait durer. Un matin, Jean ne descendit pas de son atelier, ne parut pas au déjeuner. Fidèle à son pacte, Paule n’intervint pas. Elle laissa refroidir le café du jeune homme, sans lui lancer le moindre appel. Elle rappela même à Marc, qui s’inquiétait malgré tout, que la conduite de Jean ne les regardait pas, qu’il fallait respecter ses agissements, quels qu’ils fussent. Ne l’avait-on pas promis ?…

Deux heures plus tard, Paule installait son frère sur la vérandah où soufflait un air pur et vivifiant. La jeune fille entendit soudain derrière elle des pas lourds et trainants. Elle se retourna… La surprise la cloua à sa place. Il lui fallut tout son empire sur elle-même pour ne pas pousser un cri ou tenter un geste, en face de l’inquiétant personnage qu’elle avait devant elle. Si elle n’eût souvent pensé et prédit que le jeune seigneur userait de tous les subterfuges permis, comme de