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Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/135

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recula avec peine pour atteindre un siège voisin. Il s’y jeta, cachant aussitôt sa figure entre ses mains : « Ô Dieu ! était-ce possible ! La douce princesse promise à cet être perdu de vices, incapable de ressentir le moindre noble sentiment !… » La surprise, la rage, le désappointement, et par-dessus tout une douleur étrange, insoutenable encerclaient de fer son cœur, l’étouffant, le meurtrissant.

Il se remit debout par un suprême effort, tendant jusqu’à les rompre les ressorts de sa volonté. « Non ! se promit-il cela ne sera pas ! Dussé-je tout sacrifier, ma jeunesse, mes espoirs, mon sang, tout, je me mettrai en travers des entreprises de cet ignoble seigneur. »

Ses yeux où luisaient un feu sombre se portèrent sur Rochelure. Il les baissa aussitôt, comprenant tout le danger de son attitude défiante. Rochelure considérait Jean avec étonnement. Il paraissait intrigué. Quel étrange receveur !

« Receveur, gronda-t-il, que signifie toutes vos grimaces ?… Ce n’est pas tout à fait ce qu’il faut, pour la besogne de receveur. Mes bûcherons de la forêt ne feront qu’une bouchée de votre sinistre personnage, si vous vous montrez à eux sous cet aspect. »

Jean approuva. « Vous avez raison, seigneur. Mais je vous assure que cela ne m’est jamais arrivé. Sans doute, votre bonté m’a étourdie, votre grandeur future surtout a fait danser devant moi chacun des objets de la chambre… Mais en présence de mes semblables, allez, j’éprouve tout autre chose… Ah ! continua Jean, d’une voix respectueuse, comment un fier gentilhomme comme vous pourrait-il comprendre quelque chose aux agissements d’un manant tel que moi !

— En effet, répondit sèchement Rochelure. » Il se