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Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/162

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La vérité pénétrait lentement dans son esprit… Il blêmissait. Soudain son masque changea. La colère, cette colère sans égal du juste irrité empourpra et accusa ses traits. Il parut être soulevé hors de lui, grandi. Saisissant le poignard qu’il apercevait à la taille de la jeune file, il demanda en serrant les dents : « Paule, qui-est-ce ? vite ?…

Paule ne répondit pas, toute blanche. Elle reculait, reculait. La main de Jean la saisit. Ses doigts s’incrustèrent dans la chair de son bras.

« Qui est-ce, répéta-t-il ? » Ses yeux la brûlaient. Paule défaillit. Ses genoux plièrent, elle tomba presque aux pieds de Jean. Il la lâcha alors, et courut vers la porte, poignard toujours levé.

Mais Paule, avec un faible cri, bondit aussitôt à ses côtés. Elle s’accrocha à son bras, haletante, elle gémissait : « Jean, ah ! Jean, revenez à vous… Si vous saviez… Jean, le temps presse… Vous ne pouvez rien en ce moment, contre ce misérable… Croyez-moi !… Jean, fuyez, fuyez !… Ah ! vous voulez donc que je vous perde aussi… Je vous dirai tout, bientôt !… Tenez, Jean, mon frère bien-aimé, laissez-moi vous couvrir moi-même de ce manteau…, et, regardez, je glisse des provisions dans ce pli… En route, maintenant !… Prenez mon cheval en arrière de la cabane… À la tombée du jour, je serai près de vous… Je vous le promets !… Les sabots de votre bête me serviront de guide. »

Jean avait obéi enfin !… oh ! bien passivement, et les yeux toujours fixes au loin, sur le même horrible spectacle. Un moment, cependant ses yeux pleins d’un feu si terrible, s’adoucirent et longuement, se posèrent sur ceux de Paule.

La jeune fille comprit. « Oui, oui, Jean, à la tombée du jour, je serai près de vous. J’ai promis. »

Elle ouvrit avec précaution la porte, un doigt sur les lèvres. Elle regarda. Le gardien de Jean, une bouteille de vin à la main, buvait et chantait, ne pensant guère, vraiment, à l’évasion possible du prisonnier.



Et Jean s’enfuit.