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Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/166

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Vois, je suis ton exemple !… Pour sauver notre bienfaiteur. je souffre moi aussi, je souffre… mais quand même, j’agis… je secours ! »

Elle releva la tête. « Jean, dit-elle, je ne sais guère raconter autre chose, je crois, que la fin triste et touchante de mon frère. J’ai, voyez-vous, si bien dans l’oreille les paroles qu’emportèrent son dernier souffle : « C’est… pour… Jean ! Je suis… heureux… heureux ! » Et le radieux sourire se fixa à jamais sur ses lèvres blanchies, entrouvertes, l’oublierais-je jamais ? »

Jean s’agenouilla près de la jeune fille. « Paule, dit-il avec sa ferveur grave, vous le sentez, n’est-ce pas qu’en ce moment, l’émotion, la gratitude, la douleur déchirent et divisent mon âme. Si vous n’étiez pas là, aimante petite sœur de Marc, si votre sublime douceur ne me pénétrait, croyez-vous que je ne m’abîmerais pas dans la colère ou l’amertume… Mais vous êtes là, à mes côtés, vous êtes là, et vous me regardez avec bonté, une bonté qui comprend… Cela me suffit. Un peu de paix bride l’impétuosité terrible de mon être… Vous ne la connaissez que trop cette impétuosité… Petite, petite, vous si noble, vous le croyez, n’est-ce pas, que tout ce que le dévouement et l’affection d’un frère peuvent tenter pour le bonheur d’une sœur, je le tenterai,… je le tenterai hautement, sans jamais y faillir ? »

Il y avait en cet instant, dans les yeux que Jean levaient sur la jeune fille, un tel rayonnement de beauté, simple et vraie, que Paule demeura saisie du haut sentiment qui se manifestait ainsi.

« J’ai cru et je crois toujours en vous, Jean, répondit-elle ». Soudain, un fugitif sourire glissa sur son visage. « Jean, mon frère, puisqu’il en est ainsi, dites, vous m’approuvez de songer à vivre désormais auprès des vôtres ? En vous quittant tout à l’heure, je me dirigerai, si vous le permettez, vers la maison de vos parents…